Il était temps de s’interroger sur la manière de mesurer la performance des comptes Instagram, autrement qu’en récompensant le plus grand nombre de fans. Zoom sur la méthodologie « version bêta » qui inaugure cette étude, comprenant une cartographie collaborative, un classement quanti et quali, et ouvre une enquête croisant les objectifs de communication avec les usages citoyens.
Vous le savez, en matière de médias sociaux, tout évolue plus rapidement qu’ailleurs : en 2015, Instagram a dépassé Twitter en nombre d’utilisateurs et s’est imposé dans le panorama des réseaux incontournables pour les marques comme les institutions. D’à peine quelques dizaines, lors d’une première étude publiée sur ce blog en octobre dernier, les collectivités locales françaises sont désormais plus d’une centaine à s’être déployées sur Instagram, en ce 2e trimestre 2016. Cet article s’intéresse donc à détailler la méthodologie de calcul de la performance proposée ici, avec des critères spécifiques au champ des collectivités, mais dont l’esprit peut facilement être décliné à d’autres secteurs.
Si vous souhaitez “zapper” l’explication méthodologique, vous pouvez accéder directement aux nouveaux « TOP 100 Instagram et collectivités locales » et retrouver le résultat des 3 principaux volets de l’étude ici :
Retrouvez tous les résultats et données dans le tableau interactif du classement QUALI.
La méthode quantitative
Classique que l’on retrouve dans tous types d’études, la méthode quatitative prend simplement en compte le nombre d’abonnés, première donnée visible en arrivant sur la page. Pourtant, ce critère est à relativiser : en effet, sur les réseaux sociaux, il ne signifie pas grand chose et celui qui a le plus d’abonnés n’est pas celui qui touche le plus grand monde. Sans parler des fans qu’on peut maintenant acheter, comme des oranges au marché !
De plus, si ce KPI peut avoir du sens pour les marques, il est absurde dans le champ de la communication publique : en effet, classer sans mise en perspective le nombre d’abonnés de territoires démographiquement très différents n’est-il pas un non-sens ?
Pire, comme je l’écrivais en 2012, en lançant une série études sur les collectivités et réseaux sociaux, qui initiait une première approche qualitative : en se contentant de primer « celui qui a la plus grosse » (liste de fans), ces classements laissent croire aux néophytes (et à certains élus), que c’est le seul critère de réussite d’une présence sur les réseaux sociaux !
Une fois ce point clarifié, rien n’empêche de continuer à jouer à cette course à l’échalote du nombre d’abonnés, pour l’amour du jeu ! Vous aurez donc le plaisir de retrouver le TOP quanti initié en octobre dernier, avec la progression du classement (par rapport au dernier relevé publié en janvier dernier).
La méthode qualitative
Pour Instagram, l’idée était d’inventer une méthodologie sortant de ce non-sens, sans jeter le « bébé quantitatif » avec l’eau du bain, mais en ajoutant des ingrédients qualitatifs à la recette. Tout en comparant ce qui est comparable, et en jaugeant la performance des collectivités sur plusieurs aspects d’importance variable, non pas dans l’absolu, mais par rapport aux autres territoires présents…
C’est pourquoi les règles du jeu ont changé…
Ceci n’est pas un audit
On le répétera jamais assez : cette démarche est très différente d’un audit qui, seul, peut jauger la qualité du travail et l’atteinte des objectifs que la collectivité s’est fixés. Cette méthodologie ne saurait prétendre à toute forme d’exhaustivité ni de « vérité ». Il ne s’agit nullement ici d’analyser la pertinence du rédactionnel, la direction artistique des photos, ni la qualité du conversationnel… Ou d’émettre un quelconque jugement sur le travail du community manager ! A l’échelle d’un compte, un audit comprendrait de nombreux critères supplémentaires, et les croiserait avec les objectifs de la collectivité ou la vision des responsables de communication. A l’échelle d’un classement national, seul un jury d’experts pourrait auditer la qualité : mais sans connaissance des KPI, son avis resterait toutefois purement subjectif.
La contrainte était donc que cette analyse qualitative puisse s’effectuer sur des critères :
– objectifs
– extractibles
– et qui amènent du sens.
Un taux de performance inédit
Le score du taux de performance (%) proposé ici procède d’une méthodologie, qui pondère selon leur importance 5 KPI essentiels de la métrique des réseaux sociaux. Le nombre de posts, commentaires et like est calculé sur une période de 30 jours précédant le relevé de chiffres : autrement dit, pour cette première étude, il ne s’agit que du score de performance des comptes Instagram sur le mois de mars.
Quand d’autres logiciels vous comparent la « performance » de la mairie de Calais avec Coca-Cola, celui-ci est garanti 100% éthique, cohérent et adapté à la communication publique !
Voici donc, du plus important au moins important, le détail des aspects qu’analyse le taux de performance dans cette étude :
Le taux d’engagement ★★★★★
Cette donnée, fondamentale en socialmedia, permet de se rendre compte de l’intérêt d’une audience pour les publications d’un compte. Le taux d’engagement indique la viralité des contenus, donc leur audience potentielle ; en effet, les likes et commentaires augmentent la visibilité de la photo auprès des amis de la personne qui interagit. Il correspond au pourcentage des abonnés d’un compte qui ont réagi (aimé ou commenté) à ses publications. En général, un très bon taux d’engagement se situe autour de 5%. Le taux d’engagement moyen est ici de 2,513% et maximum de 20%.
La portée ★★★★
Ce critère permet de mesurer une audience, en la relativisant par rapport à la taille du territoire. Il applique donc une pondération à l’aspect purement quanti du nombre d’abonnés. Dans cet objectif, il ne s’agit plus d’avoir la plus grande liste de fans dans l’absolu, mais au regard de la population de la collectivité. La portée moyenne est ici de 4% avec une portée maximum de 116% ; un record, que seul un petit territoire était capable d’atteindre.
Nombre de posts ★★★
L’étude compare le nombre moyen de publications par jour, sur la période observée (30 jours précédant la date du relevé). S’il n’existe pas de fréquence de publication unique permettant d’affirmer qu’il s’agit de la meilleure pratique, il nous paraissait important de distinguer une collectivité publiant 3 fois par semaine, d’une autre postant 2 photos par mois ! Instagram est un réseau social du web en temps réel : on y consulte les photos à travers son flux d’actualité, très rarement en se rendant sur les pages… Une moyenne d’une publication par jour est donc conseillée pour garder le contact avec ses fans. Les collectivités publient en moyenne 3 posts par semaine, avec un maximum de plus de 2 posts par jour.
Nombre d’abonnés ★★
L’aspect purement quantitatif n’a pas été abandonné pour autant : l’étude prend donc en compte le nombre d’abonnés au compte. Le chiffre est pris ici en compte sans pondération, mais sans non plus grandement influer sur le score. Les comptes Instagram de collectivité ont en moyenne 2679 abonnés. Le record reste détenu par Paris, loin devant tous les autres, avec plus de 116.000.
Le ratio abonnements / abonnés ★
Ce ratio se calcule en divisant le nombre d’abonnés par le nombre d’abonnements. Considérant qu’une collectivité n’est pas une « star de l’influence » (ni Zlatan) et se doit d’être dans une démarche d’écoute de son territoire, l’étude fixe le ratio idéal dans une fourchette de 1 à 3. Pour éviter le « mass following », la méthode pénalise aussi ceux qui suivent plus de comptes qu’ils n’ont d’abonnés. Vu que l’indicateur est toutefois de moindre importance, et qu’il ne fait pas toujours consensus – le CM pouvant légitimement défendre un autre point de vue – la méthode ne lui applique qu’un faible coefficient… Les comptes Instagram ayant un ratio de 1 à 3 obtiennent la note maximale.
Les enseignements qu’on peut en tirer son nombreux, et la méthode a le mérite de rebattre les cartes en mettant dans le TOP 10 un territoire de 368 habitants et un autre de plus de 120 millions ! On note aussi des régions qui brillent par leur absence, à côté de l’entrée remarquée de l’Ile de France, et du départ, tout aussi remarqué, de l’ex région Auvergne.
Et, avec cette méthodo, le nouveau TOP50 des collectivités sur Instagram est le suivant :
Pour résumer les points forts de cette méthodo qui amène du sens :
– elle ne compare que ce qui est comparable
– elle jauge aussi bien les aspects quali que quanti
– elle pondère le nombre de followers par la taille du territoire
– elle applique un coefficient d’importance aux critères énoncés dans l’article, à savoir (dans l’ordre) : taux d’engagement (critère le plus important), portée réelle de l’audience (pondérée par la taille du territoire), nombre de publications par jour, nombre de followers (donnée purement quanti) et ratio abonnés-abonnements (critère le moins important).
Proposée ici en version bêta, elle continuera de s’affiner et d’évoluer, au fil du temps et des nouveautés socialmedia, qui sont nombreuses. Le nouveau flux d’actualité, qui inquiète les utilisateurs, va-t-il tuer le taux d’engagement exceptionnel, qui faisait la force de ce réseau ? Combien d’utilisateurs vont réellement « s’abonner » aux notifications des comptes qu’ils suivent, au risque de voir leur portable vibrer toutes les 10 secondes ?
Si vous souhaitez apporter votre pierre à la réflexion, n’hésitez pas à prendre la parole dans les commentaires ou contact en message en privé.
Allons plus loin, encore !
Enfin, pour aller encore plus loin que cette approche, un dernier volet d’enquête se propose de recueillir la parole des acteurs sur les stratégies déployées, leur vision et leur organisation. En croisant leurs objectifs, avec les attentes des citoyens, et bénéficiant des meilleures idées des utilisateurs. Je vous propose de participer maintenant à cette enquête, que vous soyez de l’un ou l’autre côté de la barrière.
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Voir l’étude complète ICI.
A vous la parole !
Consultant indépendant | Digital lover | Communication publique et corporate | Auteur, formateur et conférencier | Fondateur de l'Observatoire socialmedia des territoires | Membre-fondateur DébatLab | Ex directeur agence Adverbia et blog-territorial
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